Jeûne et surconsommation
Le Carême s’étendra cette année tout au long du mois de mars. La lecture évangélique du mercredi des Cendres (18 février) nous a rappelé les trois pratiques traditionnelles de cette période: la prière, l’aumône et le jeûne (Matthieu 6, 1-6.16-18). Parmi celles-ci, le jeûne est peut-être celle qui soulève le plus de questions, du moins chez moi. Qu’entend-t-on par jeûner? Est-ce cesser carrément de manger à certains moments? Se priver d’aliments précis, surtout ceux qui nous font le plus plaisir? S’abstenir de boissons alcoolisées? Et pour quelle raison? Par mortification, dans un esprit de pénitence ou d’expiation? Pour se remémorer le jeûne de Jésus dans le désert et partager les souffrances de sa passion? Par solidarité avec les milliards d’humains qui ne mangent pas toujours à leur faim?
Le petit livre plein de sagesse intitulé Regards critiques sur la consommation (Novalis, 2012) et signé André Beauchamp m’incite à aborder les choses de manière différente. L’auteur dépeint l’engrenage dans lequel nos sociétés occidentales semblent enfermées, qui nous pousse à consommer et à dépenser toujours davantage. Le style et le rythme de vie de notre monde ont des répercussions malheureuses sur la santé de la planète, tant sur le plan environnemental qu’humain. La surconsommation, me semble-t-il, entache les relations entre nous et avec Dieu. Celui-ci, en effet, ne nous a-t-il pas confié la création pour qu’elle devienne toujours plus habitable et pleine d’harmonie? La manière dont nous en usons et abusons n’est-elle pas un signe de manque de respect à l’égard du Créateur?
En tant que chrétiens et chrétiennes, nous pourrions faire du jeûne du Carême — quelle qu’en soit la forme — une façon de dénoncer ou tout au moins de remettre en question le climat de surconsommation auquel nous participons trop souvent. De quoi pourrais-je me passer? Qu’est-ce que je pourrais changer dans mes comportements pour manifester plus de respect à l’égard de la planète et de mes frères et sœurs, surtout les plus démunis? Au 6e siècle av. J.-C., un prophète prenant la parole au nom de Dieu allait jusqu’à décrire le jeûne véritable en termes de respect d’autrui: «Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci: faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable?» (Isaïe 58, 6-7)
Jean Grou
www.prionseneglise.ca