Une double canonisation
Ce n’est sans doute pas tout à fait par hasard que, ce 27 avril, la canonisation des bienheureux Jean XXIII et Jean-Paul II marquera le début du temps pascal. Les circonstances qui ont conduit à cette célébration ont en tout cas provoqué quelques surprises qui sont dignes de celles du matin de Pâques. À commencer par une transgression jusque-là impensable: le pape François a décidé que le second miracle exigé pour une canonisation n’était pas nécessaire dans le cas de Jean XXIII; il a jugé suffisantes la réputation constante de sainteté de ce pape et les grâces que beaucoup de gens lui attribuent. Il a donc fait primer son témoignage sur une règle immuable de l’Église. Je ne puis m’empêcher d’entendre là comme un écho du bouleversement pascal qui a libéré les premiers disciples et le christianisme de bien des lois parfois sacrées, dont celle de la circoncision (cf. Actes 15, 1-33).
La décision de canoniser Jean XXIII en même temps que Jean-Paul II invite aussi à accueillir la clarté du matin de Pâques dans toute son ampleur. Car on peut y percevoir deux intentions du pape François. Premièrement, celle de tempérer la ferveur du «santo subito» («canonisez-le tout de suite») que plein de banderoles brandissaient sur la place Saint-Pierre lors des funérailles de Jean-Paul II: la joie pascale n’est pas un bonheur fusionnel, elle est aux antipodes des émotions que donne un culte de la personnalité, elle rend libre et fécond. En second lieu, la double canonisation semble aussi inviter à tenir ensemble deux figures très différentes de l’Église. Elle signifie, en quelque sorte, que le zèle formidable dont le pape Jean-Paul II a fait preuve pour affirmer l’identité chrétienne ne devrait pas fermer les portes et les fenêtres de l’Église que le bon pape Jean XXIII avait ouvertes au monde et au grand vent de l’Esprit: l’événement pascal a fait sauter les verrous du cénacle, il a libéré les disciples de la peur et leur a donné de l’audace, il crée l’unité dans la diversité.
Les canonisations du 27 avril engageront ainsi l’Église plus résolument que jamais dans l’esprit de Vatican II. Jean XXIII l’a invitée à s’ouvrir au monde. Jean-Paul II a demandé au monde de s’ouvrir au Rédempteur. François entraîne l’Église en plein monde pour qu’elle y apprenne et y vive très concrètement la joie pascale qui fait miséricorde, soigne les blessures, réchauffe les cœurs, donne de l’espérance…
Jacques Lison
Les canonisations du 27 avril engageront l’Église plus résolument que jamais dans l’esprit de Vatican II.