L'Abbé Pierre

Dieu

Le Tout Autre

Dis, toi le berger de Bethléem

Qui viens de voir le fils de Dieu,

En retournant dans tes montagnes

Dis à tes frères les bergers,

Dis leur,

Eux qui attendent un roi puissant,

Un Messie fort et triomphant

Pour soulever par ses discours

Une armée marchant au tambour

Dis leur que son visage est doux

Et qu'autour de lui, à genoux,

Des pauvres veillent son berceau

Près de paisibles animaux.

Dis, toi, le ravi, émerveillé

qui ne cesse de remercier

Ce Dieu que tu as rencontré

Dans les coeurs simples et la beauté

Dis leur,

Aux sages et aux intelligents

Auteurs de livres très savants

A ces docteurs très orgueilleux

Qui font de grands discours sur Dieu

Dis leur qu'on ne peut l'enfermer

Dans des mots ou dans des idées

Et qu'il faut un regard d'enfant

Pour rencontrer le Dieu vivant.

Dis, toi le roi mage aux yeux levés

Vers l'étoile de vérité

Toi qui ne cesse d'avancer

Avec un coeur insatisfait

Dis leur,

A ceux qui croient le posséder

A ceux qui croient l'accaparer

Comme un objet fossilisé

Une denrée dans un musée

Dis leur que Dieu est différent

Insaisissable comme le vent

Nul ne peut l'enfermer chez soi

Car il est toujours au delà.

C'est le Tout Autre

Le Dieu Tout Autre.

Jésus disait: "Nul s'il n'est un enfant n'entrera dans le royaume"... Dis aux sages et savants qui font de grands discours sur Dieu, qu'il faut un regard d'enfant pour entrer dans le royaume... J'aime.

Un dimanche, en sortant de l'église, je disais à `mon épouse: "J'ai bien aimé l'homélie aujourd'hui, M. le Curé semblait inspiré, ses paroles jaillissaient de son coeur". Ses homélies sont toujours très bien, informent bien, il nous en enseigne des choses, mais ce dimanche, c'est comme s'il était allé plus loin, elle ressemblait à un jaillissement du coeur qui touchait nos coeurs... et pour moi c'était un plus, il avait éveillé en moi un désir de communion avec Jésus.

Dieu, le Tout Autre, j'aime beaucoup aussi ce nom donné à Dieu. Je me souviens de ce jeune vicaire, un peu fanfaron, comme les jeunes le sont souvent, il me servait un jour cet avertissement: "Mon jeune, quand tu me dis, moi j'ai la foi, tu viens de la perdre"... Il disait cela en riant, ajoutant même, "ne me prends pas trop au sérieux. Mais si tu dis cela avec la certitude de posséder Dieu, tu l'enfermes dans une vision, ta vision de Dieu et c'est très triste. Le vrai Dieu est beaucoup plus que ce que tu peux penser, on ne le possède jamais. Comme un enfant, il vient naître en toi, comme un enfant il lui en faudra du temps pour grandir en toi et ce ne sera jamais fini".

C'est tellement vrai. Cette venue en moi marque le début d'une relation qui n'aura jamais fini de grandir. On ne possède pas Dieu, on l'accueille, il est et sera le Tout Autre chaque jour de notre vie et chaque jour il sera en nous source de nouveauté.

Va dire à ceux qui croient le posséder, qu'il n'est pas un objet qu'on peut "posséder" et enfermer en soi. Il est toujours au-delà, il est le Dieu Tout Autre.

Qui sera-t-il avec nous aujourd'hui, une chose est certaine, sa présence aura saveur de paix et d'amour. Elle sera appel et lumière sur notre route.


Le vieux nostalgique.