Deux leçons de Lac-Mégantic
C’est au milieu de la nuit, au moment où on ne s’y attendait pas, que le train fou a surgi de nulle part au centre-ville de Lac-Mégantic. Un an plus tard, le souvenir des déflagrations titanesques, du brasier meurtrier et de la désolation qui s’en est suivie reste très vif. Personne n’était préparé à une telle catastrophe, surtout pas dans ce beau coin de pays ni en pleine quiétude estivale. Le recul de ce premier anniversaire me fait lire dans ce qui s’est passé là deux leçons.
La première est celle de la bonté humaine. Lorsqu’un désastre de ce genre survient, la société se précipite vers les victimes, pour les sauver et les soulager. Et cela soulève une immense sympathie dans le pays et même au-delà: partout sont apparues des incitations à soutenir les gens de Lac-Mégantic. Ce réflexe est universel: le malheur est un révélateur d’humanité; il manifeste que la bonté est irrépressible. Le moine bouddhiste Matthieu Ricard est même d’avis qu’elle est inhérente à la nature humaine. Dans la perspective chrétienne, je dirais qu’elle est un trait de l’image de Dieu en nous.
La seconde leçon de la catastrophe vient du fait qu’elle a frappé sournoisement. Elle a révélé la fragilité de notre société là même où l’on ne pensait plus qu’il y avait du danger. À Lac-Mégantic, des gens s’inquiétaient sans doute du passage de certains convois transportant des matières potentiellement dangereuses. Mais tant que tout va bien, on a tendance à baisser la garde. La leçon est donc celle-ci: le risque zéro n’existe pas. Et il semble actuellement d’autant moins probable que l’État a relâché ses contrôles au nom de l’idéologie de l’auto-surveillance des compagnies, qui aiment le secret… Reconnaissons d’ailleurs que la société de consommation nous engourdit; elle endort notre conscience au point qu’il n’y a que les catastrophes pour nous réveiller à l’occasion. Il est grand temps d’exiger une information de qualité et des mécanismes de vigilance efficaces, avec si possible une participation directe des citoyens; et de chercher surtout un mode de vie moins dépendant de produits polluants et dangereux comme le pétrole.
Faut-il le rappeler? la vigilance est une attitude chrétienne fondamentale. Le christianisme ouvre nos yeux, il nous ouvre aux autres et nous tient en alerte. Même dans la période de repos estival, il ouvre notre vie et notre histoire à l’avènement de Dieu.
Jacques Lison
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